Contrôle sensorimoteur

Responsables : François HUG & Enzo PIPONNIER

Les travaux de recherche menés au sein de cette thématique s’intéressent principalement aux interactions entre le système nerveux central et le muscle au cours de l’exercice dans un objectif de régulation de la fatigue neuromusculaire et de la performance. Ces travaux s’inscrivent dans une approche pluridisciplinaire et intégrative de la recherche, à partir de compétences et de connaissances issues notamment de la physiologie de l’exercice, des neurosciences, de la kinésiologie et de la psychologie.

Les objets de recherche de la thématique visent plus spécifiquement à caractériser le lien entre la fatigue neuromusculaire et
1) l’activation musculaire et la capacité de travail au-dessus de la puissance critique,
2) les contraintes cardio-ventilatoires imposées par l’exercice,
3) l’altération du système sensorimoteur, et
4) la blessure des muscles ischios-jambiers et ses facteurs de risque (notamment psychologiques).

Ces projets sont principalement menés chez le sujet sain, sportif, jeune et âgé (modèle du master athlète).

Des travaux mécanistiques sur le rôle des afférences du groupe III-IV dans la régulation du niveau de fatigue musculaire et plus largement dans la réponse intégrée à l’exercice et sur le rôle du système neuromodulatoire dans la genèse la fatigue neuromusculaire sont développées dans le cadre de collaboration internationales.

Ces différents projets ont pour objectif appliqué de proposer des interventions individualisées (e.g. entrainement sportif, réhabilitation à l’effort, prévention des blessures) permettant d’agir spécifiquement sur les mécanismes sous-jacents de la fatigue, que ce soit dans un contexte de performance sportive ou de santé.

Effets du vieillissement du système respiratoire sur la fatigue neuromusculaire et la performance

Ce projet, développé dans le cadre de l’incubateur « VADER » de l’IDEX UCA JEDI, traite de la modélisation des effets du vieillissement sur le système respiratoire à l’exercice physique sur la fonction neuromusculaire et la capacité d’exercice. L’objectif principal de ce projet consiste à déterminer les effets d’une limitation mécanique ventilatoire à l’exercice sur la fatigue neuromusculaire, la performance et la tolérance à l’effort, chez le et la master athlète entraîné(e) en endurance.

Alors qu’il est généralement admis que le système ventilatoire est surdimensionné au regard des contraintes auxquelles il doit faire face à l’exercice physique, même à intensité maximale, une limitation du débit expiratoire est parfois retrouvée chez certains sportifs très entraînés en endurance. Ainsi, les valeurs maximales de ventilation d’exercice peuvent se confronter aux limites mécaniques du système ventilatoire de ces athlètes. Ce phénomène pourrait s’accentuer chez le sportif âgé (dit « Master Athlète ») sous l’effet d’altérations structurales et fonctionnelles pulmonaires qui accompagnent le vieillissement.

Le Master athlète est un sujet d’étude particulièrement intéressant car son observation met en évidence les processus liés au vieillissement physiologique réussi, en l’absence des effets confondants de la sédentarité.

L’accentuation des résistances mécaniques ventilatoires avec le vieillissement pourrait limiter la capacité d’exercice physique par les trois mécanismes suivants :

1) Une fatigue précoce et accentuée des muscles respiratoires en réponse à l’augmentation de l’activité de ces muscles pour vaincre les résistances mécaniques ventilatoires. L’accumulation de métabolites intramusculaires associés à la fatigue au sein des muscles respiratoires stimule le métaboréflexe et provoque une vasoconstriction des territoires périphériques. Une compétition dans la distribution du débit sanguin s’installe donc entre les muscles respiratoires et les muscles locomoteurs, provoquant une fatigue accélérée de ces derniers et une baisse de la performance motrice.
2) Une hypoventilation alvéolaire, qui s’accompagne d’une diminution de la pression partielle alvéolaire en oxygène et d’une hypoxémie d’exercice. Cette hypoxémie provoque également une accélération de la fatigue des muscles locomoteurs.
3) Une augmentation marquée de la sensation de dyspnée. En effet, les hauts niveaux de pression pleurale induits par l’exercice intense chez le Master Athlète pourraient être à l’origine de cette sensation de difficulté à respirer et provoquer un arrêt volontaire précoce de l’effort.

Contrairement à la théorie dominante, le système pulmonaire pourrait ainsi être « sous-dimensionné » face aux exigences du Master Athlète.

Nos premiers résultats montrent une prévalence marquée d’une limitation du débit expiratoire dès les intensités modérées d’exercice chez le Master Athlète. Cette limitation contraindrait directement la performance, de manière proportionnelle à la sévérité de celle-ci. Ces données nous engagent à établir les conséquences fonctionnelles de cette limitation (notamment au niveau du système neuromusculaire et de la perception de l’effort) et, plus largement, à redéfinir les mécanismes limitant la capacité d’exercice et la tolérance à l’effort sous l’effet du vieillissement.

Les ischios jambiers : proprioception, fatigue neuromusculaire et facteurs de risques de blessure.

Les lésions des ischio-jambiers (LIJ) sont parmi les blessures sportives les plus répandues dans les sports incluant des sprints, avec un taux de récidive important. Elles ont des conséquences sur la santé des athlètes mais aussi un impact psychologique et financier. Leur prévention a donc des enjeux dans le cadre de la performance et de la santé des sportifs. Or, à ce jour, les facteurs de risque de LIJ ne sont pas abordés de façon multidisciplinaire puisque les facteurs perceptifs, psychologiques et psycho-comportementaux liés à la santé sont éludés dans la majorité des publications scientifiques portant sur le sujet.

En ce sens, ce projet de recherche implique deux programmes de recherche :

1) Le programme de recherche HAPPy a pour objectifs d’identifier les facteurs de risque intrinsèques (psychologiques, psycho-comportementaux liés à la santé et physiologiques) de la lésion des ischio-jambiers et leurs relations afin de développer un modèle théorique intégratif de cette blessure, et d’examiner l'effet du contexte psychologique (i.e., contrôlabilité du processus de réadaptation) sur les facteurs de risque intrinsèques de la lésion des muscles ischio-jambiers chez les athlètes.

2) Le programme de recherche FijAP vise à étudier les liens qui existent entre la fatigue neuromusculaire des ischios-jambiers et les altérations proprioceptives observées en état de fatigue neuromusculaire. L’objectif fondamental de ce programme est d’identifier les mécanismes neurophysiologiques expliquant ces altérations afin de développer des applications dans le domaine de l’entrainement et de la rééducation du sportif pour optimiser le travail proprioceptif et prévenir ces blessures.

Implications neuromusculaires d’un entraînement par restriction du débit sanguin : rôle des afférences musculaires du groupe III-IV

Ce projet, développé dans le cadre d’une collaboration internationale avec l’« Utah Vascular Research Laboratory (University of Utah) », traite de l’influence d’un entraînement par restriction du débit sanguin sur l’activité des afférences du groupe III-IV et la fonction neuromusculaire, chez le sujet sain et souffrant d’hypertension.

L'entraînement par restriction du débit sanguin (ou « blood flow restriction », BFR) est une méthode d'entraînement physique qui combine des exercices de résistance ou d'endurance de faible intensité avec une restriction artérielle partielle et veineuse complète du débit sanguin vers les muscles du membre actif. Par rapport à un entraînement composé d’exercices conventionnels (i.e. sans BFR), il a été constaté que l'entraînement avec BFR améliorait le temps limite d’exercice à une intensité donnée, le VO2 MAX et la force musculaire chez des athlètes, des personnes âgées et diverses populations cliniques.

Au-delà de ces améliorations fonctionnelles, des résultats récentes suggèrent également que l'exposition répétée à l'ischémie et aux concentrations élevées associées de métabolites intramusculaires pendant le BFR pourraient atténuer la sensibilité des métaborécepteurs et des afférences musculaires du groupe III-IV. Des travaux antérieurs de notre groupe ont démontré que ces afférences limitaient l’activation musculaire au cours de l’exercice dans le but de prévenir d’une accumulation excessive de métabolites intramusculaires. L'entraînement avec BFR pourrait donc être une méthode d'entraînement stratégique pour améliorer les performances des athlètes mais aussi la tolérance à l'effort, à la fatigue de patients dont l’activité afférente musculaire du groupe III-IV présente un niveau anormalement élevé.

Plus de 30% des adultes en France et aux États-Unis sont atteints d'hypertension. L'exercice chronique constitue la pierre angulaire du traitement non pharmacologique de cette pathologie (Cornelissen & Smart, 2013). Malheureusement, la fatigabilité très élevée de ces patients, notamment en raison de contraintes hémodynamiques associées à la maladie et à la perturbation métabolique exagérée pendant l'exercice qui en résulte, limite grandement la tolérance à l’effort de ces patients. Des études récentes chez l'homme et l'animal suggèrent une exacerbation de la réponse des afférences musculaires du groupe III / IV à l'accumulation intramusculaire de métabolites avec l’hypertension, provoquant ainsi une vasoconstriction réactive, une diminution de l’apport d’O2 aux muscles actifs et une fatigue accélérée. La désensibilisation des afférences musculaires des groupes III-IV à la suite d’un entraînement avec BFR pourrait permettre d’atténuer la fatigabilité des patients et d’augmenter leur tolérance à l’exercice. Dans ce contexte, l’entraînement avec BFR représente une nouvelle stratégie de réhabilitation par l’exercice qui pourrait efficacement améliorer la qualité de vie et diminuer la mortalité des patients souffrant d’hypertension.

Le projet de recherche proposé vise donc à déterminer l'effet aigu et chronique d'un entraînement de type BFR sur l’activité afférente musculaire du groupe III / IV et dans le développement de la fatigue centrale et périphérique au cours de l'exercice, chez les sujets sains et les patients atteints d’hypertension.